AIDS 2024 : VIH, comment se préparer au futur ?
AIDS 2024 : VIH, comment se préparer au futur ?
Chaque été, tous les deux ans, a lieu la grande conférence mondiale sur le VIH, organisée par l’IAS. AIDS 2024, se déroule, cette année, à Munich (Allemagne) du 20 au 26 juillet. Au programme, deux jours de pré-conférence, cinq jours de conférences et un grand village associatif avec des activistes venus-es de toute la planète, dont AIDES. La rédaction de Remaides est sur place pour une couverture des moments forts. Sixième et dernier épisode sur la journée du vendredi 26 juillet 2024.
Rémission du VIH : de nouvelles pistes
Vendredi 26 juillet, 8h30. L’affluence au centre des congrès décline et pour celles et ceux qui sont encore présents-es ce matin en session plénière, les traits sont tirés. Pas de doute, c’est le dernier jour de la conférence AIDS 2024 et c’est tout naturellement que cette dernière plénière s’intitule : « Se préparer au futur ». Au menu : de nouvelles pistes thérapeutiques pour atteindre une rémission du VIH, de l’intelligence artificielle dans la réponse à l’épidémie, et l’analyse de son impact économique.
Bien que la définition de la rémission appliquée au VIH soit encore débattue, on peut la voir comme la possibilité pour une personne vivant avec le VIH (PVVIH) d’arrêter tout traitement antirétroviral. Ce dernier empêche, en effet, le virus de se multiplier, mais ne permet pas de s’en débarrasser complètement. Le virus reste présent sous la forme de séquences génétiques fonctionnelles intégrées dans notre propre matériel génétique (sous forme d’ADN – acide désoxyribonucléique) au sein de cellules, l’immunité faisant partie de nombreux organes. Ces derniers sont qualifiés de réservoirs pour le virus (organes génitaux, cerveau, intestins, etc.). La stratégie présentée par Melanie Ott de l’Université de Californie à San Francisco est de réduire le VIH au silence : sans chercher à effacer les séquences virales présentes dans les réservoirs. L’idée est de l’empêcher de s’exprimer. Et pour cause, la stratégie cible la première étape d’ « expression » de l’ADN viral qui est sa traduction en ARN (acide ribonucléique). L’ARN est l’intermédiaire menant à la synthèse des protéines virales, qui opèrent la multiplication du VIH au sein de la cellule humaine. En ciblant la traduction de l’ADN, on s’attaque donc à l’étape limitante. Plusieurs leviers d’action existent pour empêcher la traduction des gènes viraux, en entravant la mobilité et la fonctionnalité de différentes protéines impliquées dans sa mise en œuvre. Mais il n’est pas question de rentrer dans le détail. Ce qu’il faut retenir, c’est que ces travaux ouvrent des perspectives de thérapie génique, c’est-à-dire la modification de notre ADN à l’aide d’un vecteur qui peut être un virus ou une cellule humaine modifiée. On peut voir cela comme un « plug-in » (un branchement) correctif suite au téléchargement d’un logiciel informatique source de dysfonctions (soit un virus informatique !). Dans le cas de cette thérapie avec objectif de rémission au VIH, l’idée serait d’insérer dans le génome de nos cellules une molécule d’ADN intégrant plusieurs gènes et séquences fonctionnelles qui auront pour effet de bâillonner et réduire au silence les gènes viraux, sans les expulser. En cas de succès, il n’y a plus de traitement à prendre pour contrôler le virus, la thérapie fonctionne toute seule : c’est la rémission. L’arrivée d’une telle thérapie est toutefois conditionnée aux avancées de la thérapie génique qui rencontrent encore des freins en conditions réelles, aujourd’hui.
IA et VIH : avantages et limites
La présentation suivante est assurée par Ricardo Baptista Leite de l’organisation non lucrative HealthAI, l’agence mondiale responsable de l’intelligence artificielle (IA) dans la santé. Il est revenu sur les difficultés rencontrées actuellement par les systèmes de santé et l’impact sur les soins, leur qualité et leur accès, parlant d’une « industrialisation » de la santé et de l’hôpital comme « usine ». Selon lui, les progrès de l’IA peuvent palier ces difficultés de par ses capacités de traitement de données patients-es pour proposer des diagnostics, des ajustements de traitements ou pour remplir des tâches internes au laboratoire. Même le counseling (dont l’accompagnement communautaire) n’est pas épargné lorsqu’il cite un chatbot (messagerie automatique pilotée par l’IA) programmé pour délivrer des informations en santé et proposer une écoute. Et lorsqu’on interroge les usagers-ères à l’aveugle, ils-elles jugent le chatbot plus sympathique comparé à un être humain... Est-ce la fin des médiateurs-trices en santé ? « Non ! », répond Baptista Leite pour qui il ne s’agit pas de remplacer les humains par des machines, mais de ne pas transformer les humains en machine. Il est vrai que l’IA, à l’instar de la mécanisation ou la robotisation dans les domaines de l’agriculture et de l’industrie, pourrait permettre aux professionnels-es du médical et du social de se concentrer sur des tâches moins pénibles et consacrer du temps et de l’énergie à des tâches plus stimulantes et valorisantes. La réponse contre le VIH pourrait, toutefois, y gagner à se saisir d’outils fondés sur l’IA comme l’analyse cartographique épidémique et celle des dynamiques de transmission, ou la découverte de nouvelles molécules à la base de traitements antirétroviraux, curatifs, voire de vaccins. Baptista Leite affirme que les avancées déjà rapides de l’IA pourraient être encore accélérées par le financement des GAFAM (acronyme des géants du Web — Google, Apple, Facebook/Meta, Amazon et Microsoft). Il appelle néanmoins à être vigilant sur le respect des réglementations éthiques et de la protection des données, qui devra encadrer l’utilisation croissante de l’IA. On peut néanmoins légitimement se demander comment les outils de l’IA, dont le développement est financé majoritairement par de très grosses firmes privées, peuvent s’inscrire dans une dynamique autre que le capitalisme avec tout ce qui en découle, en particulier la maximisation des profits. L’IA peut-elle améliorer les conditions de travail des soignants-es, des travailleurs-ses sociaux-les et mettre les communautés en avant dans la lutte contre VIH ? Ou bien s’agit-il plutôt de détruire leurs emplois et poursuivre la précarisation des populations vulnérables ? La question est posée ici, mais aucune n’a pu être posée en fin de session.
VIH et économie : une course contre la montre
La dernière intervention relève des sciences de l’économie et a été assurée par la médecin et chercheuse allemande Gesine Meyer-Rath (Université de Witwatersrand en Afrique du Sud et Université de Boston aux États-Unis). Après avoir dédié sa présentation à un collègue décédé, la chercheuse expose des notions de bases et clarifie ses indicateurs de quantification économique qui n’intègre pas seulement les bénéfices financiers bruts, mais également une estimation des services rendus pour la santé des populations. Elle enchaine ensuite en posant une question simple : que ce serait-il passé s’il n’y avait eu aucune réponse à l’épidémie de VIH ? Difficile de répondre, mais on peut faire l’hypothèse de nombreuses vies perdues, de beaucoup d’orphelins-es et d’une économie négativement impactée (baisse du PIB). On sait, par exemple, que l’espérance de vie au Botswana a diminué de 20 ans entre 1985 et 1995 jusqu’à chuter à 46 ans en comparaison aux projections faites dans un scénario sans VIH. L’arrivée des traitements a heureusement permis de retrouver, en 2010, l’espérance de vie de 1985. En effet, on estime que l’investissement réalisé dans la réponse au VIH a été le principal contributeur de l’augmentation de l’espérance de vie dans le pays. On sait aussi que malheureusement, les antirétroviraux coûtent cher et la réponse au VIH nécessite la mise en place d’optimisations de manière à maximiser le retour sur investissement en termes d’économie et de santé. Une telle optimisation peut toutefois se traduire par un réel bénéfice : des études ont estimé qu’entre 2017 et 2030, pour un dollar dépensé dans la réponse à l’épidémie, on pouvait s’attendre à un retour sur investissement de deux à treize dollars en comprenant le service rendu pour la santé des populations avec un effet maximal pour les pays de moyen à haut revenus.
Après avoir parlé de l’impact du VIH sur l’économie, Gesine Mayer-Rath traite de l’impact de l’économie sur le VIH en illustrant par l’exemple de l’Afrique du Sud. Ce pays dont l’engagement politique contre l’épidémie est exemplaire, possède la plus grande population de PVVIH, une couverture Prep importante combinée à un accès aisé aux données de santé. En se fondant sur les données scientifiques, le pays a progressivement réussi à organiser sa planification financière et budgétaire en réponse au VIH et à la tuberculose pour obtenir des résultats maximisés par rapport à l’investissement engagé. Cette image idyllique ne doit toutefois pas faire perdre de vue les menaces pesant sur le financement de la lutte contre les épidémies (mentionnant le soutien important de Pepfar et du Fonds mondial). En se projetant sur le maintien des aides internationales à leur niveau d’aujourd’hui, il faudrait compter 35 millions de nouvelles infections et 18 millions de décès liés au sida d’ici 2050. Ce bilan pourrait être évité grâce à un financement suffisant pour atteindre les « 95-95-95 », occasionnant, par ailleurs, une économie de 14 milliards de dollars à l’échelle du pays. Le bilan s’alourdit en cas de baisse de financement avec une décélération de l’incidence du VIH à l’origine de + 64 % de nouvelles infections et + 45 % de mortalité liée au sida. Ce retard pris sur l’épidémie s’exprime directement sur le coût économique qui fait exploser les besoins en financement de +300 à +400 millions de dollars par an, d’ici 2090, pour l’Afrique du Sud uniquement. L’élimination du sida est donc une course contre la montre et la mobilisation des ressources financières nécessaire pour y parvenir. Ainsi, plus l’investissement requis interviendra tôt et moins la lutte contre le VIH sera coûteuse : un argument de plaidoyer de poids à destination des décideurs-ses politiques. Les leviers pour diminuer les coûts sont : la réduction de la prévalence, l’augmentation de l’efficacité économique des investissements, un financement plus local et ciblé ainsi que l’intégration d’autres services de santé financés de manière adéquate. La chercheuse termine son brillant exposé en soulignant le privilège que nous avons de ne pas avoir eu à connaître un monde dans lequel l’urgence du VIH et ses conséquences n’auraient pas été prises en compte.
L’accompagnement communautaire en santé : un statut trop précaire
« La promotion de la santé passe par la participation effective et concrète de la communauté à la fixation des priorités, à la prise des décisions et à l’élaboration et à la mise en œuvre des stratégies de planification en vue d’atteindre une meilleure santé. Au cœur même de ce processus, il y a la dévolution du pouvoir aux communautés considérées comme capables de prendre en main leurs destinées et d’assumer la responsabilité de leurs actions ». La nécessité de renforcement de l’action communautaire a été posée dès la Charte d’Ottawa, en 1986. Capitaliser sur les projets d’accompagnement communautaire en santé, en faire la promotion et défendre la reconnaissance de sa plus-value, tels étaient les termes de la table ronde sur le stand France de AIDS 2024.
Léo Deniau (coordinateur du plaidoyer international à AIDES) introduit la discussion en présentant l’accompagnement communautaire en santé tel qu’il est défini et mis en œuvre à AIDES. David Michels (directeur de la direction Innovations et Programmes à AIDES) présente les centres de santé sexuelle d’approche communautaire (Cessac) et la nécessité de pérenniser le modèle de ces structures afin d’en déployer de nouvelles sur le territoire. L’accompagnement communautaire en santé vise à considérer les déterminants sociaux qui créent les inégalités en santé et redonner aux personnes le pouvoir d’agir sur leur parcours de santé : faire avec et non pas pour les personnes concernées. La démarche communautaire en santé vise également un intérêt collectif, celui de la transformation durable du système de santé tel qu’il est établi. La prise de conscience collective des réalités sociales, permise par l’approche communautaire, va renforcer les liens de soutien au sein de la communauté et permettre le développement d’un pouvoir d’agir. C’est un moteur pour remettre en question le modèle traditionnel qui repose sur le rapport de force vertical entre soignant-e/soigné-e ; expert-e/non-expert-e. Cette semaine, le slogan « We are the experts » a d’ailleurs été aperçu sur plusieurs blouses blanches de participants-es à la conférence.
Cet objectif de transformation sociale inhérent à l’activisme contre le VIH est illustré par toutes les interventions, particulièrement celle de Florence Thune (directrice générale de Sidaction) qui présente un réseau de jeunes plaideurs-ses vivant avec le VIH en Afrique de l’Ouest et du Centre. Les personnes concernées sont associées à tous les niveaux, des actions de terrain à celles de plaidoyer.
La deuxième partie de la table ronde prend la forme d’un plaidoyer en soi : Laetitia Drean (pour l’Initiative) présente les recommandations issues d’une évaluation transversale de huit projets en santé communautaire. La situation des personnes qui mettent en œuvre l’accompagnement (que l’on parle des pairs-es éducateurs-rices ou bien des accompagnateurs-rices communautaires) est trop précaire. Florence Giard (directrice adjointe de Coalition PLUS) parle « d’urgence » : des pairs-es éducateurs-rices sont en danger sur leurs lieux d’intervention, d’autres sont en situation de grande précarité économique… Les citations extraites de différentes enquêtes de Coalition PLUS sur la paire-éducation sont marquantes. La discussion pose ainsi la nécessité de consécration d’un statut pérenne permettant la formation, la protection sociale et la rémunération de ces personnes, sans lesquelles, la lutte pour l’accès à la santé ne se fera pas. Comme le rappelle Fabrice Pilorgé (directeur du plaidoyer à AIDES), il est temps de valoriser et de reconnaitre ce qui est un travail et de sortir de l’idée qu’un militantisme pur est uniquement « bénévole ». En France, le Comité pour la promotion de la médiation en santé (dont font partie AIDES et Sidaction) défend ainsi la reconnaissance d’un métier de médiateurs-rice en santé, en plaidant notamment pour la création d’un référentiel métier et la mise en place de formations qualifiantes.
Le temps est venu de déconcentrer les prérogatives en matière de santé, de reconnaitre concrètement l’importance de la démarche d’aller-vers et de donner aux personnes accompagnées l’opportunité d’être actrices de leur parcours de soin et de vie.
Semaine internationale du dépistage en Amérique Latine : « Les communautés sont expertes »
Exception au milieu des sessions proposées à cette conférence IAS, un séminaire animé et proposé par la Plateforme Amérique Caraïbes de Coalition PLUS (PFAC), entièrement en espagnol ! Organisée en deux tables rondes, cette session revient sur ce que les membres de la PFAC ont mis en place pour la Semaine internationale du dépistage, initiée autour du 1er décembre, depuis 2020. En réponse à la baisse drastique des dépistages dus à la pandémie de Covid-19, cette initiative a pour objectif de promouvoir le dépistage communautaire et toucher un maximum de personnes.
Si le Trod (test rapide d’orientation diagnostique), réalisé par les accompagnateur-rices communautaires, semble évident pour les jeunes arrivés-es de la lutte, il n’en est pas de même partout. Ken Monteith, directeur général de la COCQ-SIDA, explique, par exemple, que les dépistages au Canada ne peuvent être réalisés uniquement que par des professionnels-es de santé. Alors que la dernière conférence AIDS 2022 s’est déroulée à Montréal, l’information est d’autant plus surprenante. Elle prouve surtout que le chemin est encore long pour que à l’échelle planétaire le « démédicalisé » soit développé à sa juste hauteur.
C’est d’ailleurs ce que l’on apprend au fur et à mesure des interventions, qu’elles viennent de Colombie, d’Équateur, du Guatemala, d’Argentine, de Bolivie ou de République Dominicaine : il existe un cercle vertueux entre le développement des dépistages communautaires et la montée en légitimité des organisations communautaires auprès des pouvoirs publics. Le constat est simple : le communautaire fonctionne. Miguel Angel Barriga Talero, directeur exécutif de Red Somos en Colombie, le précise, il y a une meilleure efficacité dans la réponse quand elle provient d’organisations communautaires. Les chiffres sont meilleurs, avec plus de découvertes de positivité, les organisations sont en meilleures capacité d’atteindre les communautés, notamment en proposant des dépistages « avec des horaires décalés, sans lieux fixe, là où sont les communautés ». Pour l’anecdote d’ailleurs, dans la discussion un des panélistes expliquait qu’il avait fallu prouver aux autorités sanitaires que l’on pouvait dépister dans une voiture, même si ce n’est pas une ambulance. Dans le travail de plaidoyer des organisations, un double mouvement s’opère, elles sont à la fois inspirantes pour les autorités sanitaires et dans le même temps, elles doivent poursuivre les efforts de légitimation de leur actions, continuer de rappeler incessamment que c’est grâce au communautaire que l’on mettra fin à l’épidémie.
En conclusion, et à l’image de ce qui a été un des fils rouge de cette conférence, Juan Alberto Francisco, de COIN en République Dominicaine, martèle : « La lutte contre les discriminations, c’est un médicament gratuit ». Il n’est pas de solutions techniques efficaces sans réflexions autour du prix et de l’accès, sans politiques de lutte contre les discriminations et sans droits effectifs. Ce sont des incontournables de la lutte contre le VIH et c’est grisant de l’entendre dire à longueur de journée. « À force, on espère que les dirigeants-es politiques l’entendent aussi, et que le manque de volonté politique pour mettre fin à l’épidémie, que nous dénonçons constamment, sera bientôt un lointain souvenir ».
Ces conférences internationales le prouvent : dans un monde globalisé, la santé ne fait aucune exception, les choix politiques faits ici ont des conséquences directes sur d’autres, à plusieurs milliers de kilomètres. Il faut savoir jongler, entre l’empowerment communautaire à l’échelle micro-locale, et le renforcement des stratégies de lutte au niveau global. Alors on se dit rendez-vous dans deux ans, et d’ici là, espérons que la noirceur qui habitent les cœurs, enlisant les conflits, marginalisant les populations vulnérables et mettant en péril les systèmes de santé s’apaise profondément. Rêvons un peu, ça aussi, c’est gratuit.
Améliorer l'adoption de la Prep
Le suivi semestriel de la Prep comme norme de soins, au lieu d'un suivi tous les trois mois, pourrait lever un obstacle à l'adoption de la Prep et réduire le nombre total de visites sans entraîner une augmentation des IST, ce qui conduirait à des réductions de coûts pour les programmes de Prep. Ce sont les résultats préliminaires de l'essai EZI-Prep aux Pays-Bas. Les usagers-ères de Prep suivis-es tous les six mois ont effectué plus de visites supplémentaires pour les IST que ceux-celles suivis-es tous les trois mois, mais ont eu moins de visites globalement.
Inde : baisse de la connaissance du statut VIH en prison
La surveillance sentinelle du VIH de 2019 à 2023 en Inde du Nord montre une baisse préoccupante de la connaissance du statut VIH parmi les hommes vivant avec le VIH en prison, passant de 65 % en 2019 à 28 % en 2023. La séroprévalence a augmenté de 3,8 % à 5,7 % ; l'usage de drogues injectables étant un facteur important de l'acquisition du VIH. Les chercheurs-es ont appelé à des innovations dans la mise en œuvre des programmes pour améliorer le changement de comportement, le dépistage du VIH et la couverture de traitement antirétroviral dans les prisons.
Stigmatisation et discrimination
Une session était consacrée aux enjeux de stigmatisation et de discrimination liés au VIH. Une enquête menée auprès de 18 430 professionnels-es de la santé à travers l'Europe a révélé une stigmatisation et une discrimination significatives liées au VIH : 69 % n'étaient pas d'accord avec des déclarations exactes concernant la prévention du VIH et plus de la moitié s'inquiétaient de fournir des soins aux personnes vivant avec le VIH. Près de la moitié des 8 128 répondants-es d'une étude sur la criminalisation du VIH et la stigmatisation dans les pays d'Europe de l'Est et d'Asie centrale avaient subi une stigmatisation dans les établissements de santé. En Ouganda, le programme Tackle utilise le football pour réduire l'auto-stigmatisation (qui touche près de 85 % des personnes vivant avec le VIH), pour augmenter l'adhérence au traitement ARV et améliorer les résultats de santé des jeunes vivant avec le VIH.
Une nouvelle présidente médecin-chercheuse et lesbienne
C’est dans un train qui nous ramenait à Paris, quelque part entre Munich et Stuttgart, que nous avons suivi la plénière de clôture via Twitter. Cette plénière était surtout l’occasion d’un passage de flambeau à la présidence de l’IAS. Ainsi, Sharon Lewin laisse la place à Beatriz Grinsztejn en tant que nouvelle présidente de l'IAS. Quelques mots sur Beatriz Grinsztejn : médecin-chercheuse spécialisée en maladies infectieuses, elle a cofondé le service VIH/sida de la FIOCRUZ, le plus grand prestataire de soins à Rio de Janeiro, au Brésil, et a été directrice de l'unité de recherche clinique sur le VIH/sida à l'Institut national des maladies infectieuses Evandro Chagas – FIOCRUZ, pendant 25 ans. Fait rare dans ce genre de moments assez formatées, Beatriz Grinsztejn a publiquement mentionné son homosexualité lors de son discours : « En tant que lesbienne d'Amérique latine et directrice de la première clinique de santé pour les minorités sexuelles et de genre à Rio de Janeiro, je constate chaque jour comment nous échouons encore à aider les personnes les plus marginalisées. Au Brésil, les nouvelles infections par le VIH augmentent parmi les jeunes hommes noirs ayant des relations sexuelles avec des hommes, illustrant la violence structurelle liée au genre et le racisme qui alimentent l'épidémie », a déclaré la nouvelle présidente de l’IAS.
➡️ Les prochains grands rendez-vous de l’IAS seront IAS 2025, la 13ème conférence scientifique de l'IAS qui aura lieu en juillet 2025 à Kigali, au Rwanda. Puis AIDS 2026, la 26ème conférence mondiale, qui aura lieu en juillet 2026 au Brésil.
Danke, dass Sie uns gelesen haben und bis bald (Merci de nous avoir lus-es et à bientôt) !
AIDS 2024 en chiffres
Parfois les chiffres parlent plus que certains longs discours alors en voici quelques un sur cette conférence AIDS 2024 à Munich :
- 11 000 participants-es ;
- 864 boursiers-ères de 101 pays ;
- 40 sessions de résumés oraux, 50 sessions de conférenciers-ères invités-es, 20 ateliers, 17 pré-conférences, 30 sessions de symposium, 100 sessions satellites et 2 200 posters.
Sans oublier les nombreux évènements non comptabilisés au Global Village et en en salle de presse. Vertigineux.
Vincent Leclercq : « C'est frustrant de voir des effets d'annonce très importants »
Présent à Munich, Vincent Leclercq, directeur général de Coalition PLUS a donné une courte interview pour la newsletter de son organisation. Voici, son analyse des grandes annonces scientifiques à retenir de cette conférence :
« Cette année, deux annonces majeures ont été faites. Premièrement, un nouveau cas de rémission d'une personne séropositive. On commence à être habitué à ces annonces. Cependant, elles peuvent être très frustrantes pour les personnes vivant avec le VIH, dont je fais partie, car elles sont souvent présentées comme des innovations miraculeuses, alors qu'elles ne sont pas réplicables [à une grande échelle, nlr]. C'est frustrant de voir des effets d'annonce très importants alors que cela ne changera rien à court ou moyen termes pour les séropositifs-ves dans la vie réelle. Personnellement, j'aimerais que ces annonces soient moins fracassantes et davantage présentées comme une petite brique en plus à la stratégie CURE. La véritable avancée viendra le jour où ces découvertes seront réplicables et accessibles largement.
Deuxièmement, il y a eu l’annonce de l'efficacité du lénacapavir de Gilead, une solution de Prep injectable testée sur une cohorte de femmes avec un protocole d’une injection tous les six mois. C'est important car la recherche sur la Prep a souvent été décevante chez les femmes. Cela peut faire une réelle différence, notamment en Afrique de l'Est et du Sud où l'épidémie est forte chez les femmes et les jeunes filles. Cependant, il y a des points de vigilance. Le premier concerne l'accès. Le prix envisagé par Gilead pour commercialiser le lénacapavir n'est pas soutenable. Les activistes demandent des dispositifs pour permettre l'accès aux pays les plus pauvres et à revenus intermédiaires. Ces derniers ont souvent le plus de difficultés à accéder à ces traitements. Nous serons très vigilants à cela et nous nous joindrons aux initiatives activistes pour en défendre l'accès universel. Le deuxième point concerne la création de la demande. On ne peut pas imposer aux communautés un médicament présenté comme miraculeux et venu d'ailleurs, administré par injection, sans faire un travail de fond d'appropriation avec elles. Il faut travailler sur l'information et la sensibilisation des communautés pour que ce produit soit adopté, sinon il restera un outil, certes miraculeux mais qui ne sera pas utilisé, comme pour les vaccins contre la Covid-19 ».